Vous êtes éleveur ?
Vous voulez construire une relation solide et apaisée avec votre troupeau ?

Pour devenir acteur du bien-être animal dans votre élevage, la première étape consiste à connaître les spécificités éthologiques de la vache.

Dans cet article, vous trouverez plusieurs solutions concrètes et pratiques pour améliorer la relation Homme Animal sur votre élevage.

Pour construire une relation homme-animal apaisée, il est nécessaire de connaître les caractéristiques des 5 sens chez un bovin. Ils sont évidemment les mêmes que ceux chez l’humain, mais avec des différences notables qui ont des conséquences dans la relation homme animal.

1. La vue en saccadé, en sépia, sensible à la lumière, et avec des angles morts

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Crédit photo : SNOF

  • Le bovin a une vision binoculaire, qui génère des angles morts.

Dans les situations de manipulations à l’attache (cornadis, couloir, salle de traite, …), le bovin ne voit pas l’éleveur. Il est fondamental d’être conscient de l’existence de ces angles morts pour se positionner en sécurité et de manière rassurante pour le bovin.

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    Crédit photo : SNOF

    • La vision du bovin est saccadée.

    Rien ne sert d’agiter les bras de bas en haut rapidement pour déplacer la vache. Elle ne voit qu’en vision « par à-coups ». Il est donc recommandé de se déplacer comme si vous marchiez « en apesanteur ». Le troupeau sera plus rassuré.

      • Les couleurs sont vues en sépia, mais le bovin reste sensible aux fluos, aux reflets, aux couleurs vives et surtout aux contrastes.

      De nombreuses tenues de travail, d’éclairages de bâtiments, d’outils de manipulation ne tiennent pas compte de cette particularité de la vision. Pensez à vous équiper de tenues noires, sans bandes fluorescentes par exemple.

        • L’accommodation de la vision chez un bovin est très longue.

        Le temps d’adaptation de la vision, notamment face aux changements de lumière dans les bâtiments et couloirs de contention, est long. Tenez-en compte lors des déplacements du troupeau, dont les vaches de tête restent souvent « bloquées » quelques secondes à l’entrée d’un bâtiment car le changement de lumière les empêche de voir correctement.

        2. L’ouïe sensible : stop aux cris !

        • Le bovin est sensible aux ultrasons.

        Ainsi, ne soyez pas étonné que certaines vaches réagissent fort notamment en salle de traite, lieu de branchements de diverses sources d’ultrasons (radios, …).

        • Le bovin a un réflexe d’écoute grâce à son pavillon d’oreille très mobile.

        L’animal est capable d’entendre divers sons tels que des vocalisations, des souffles, des grognements, … et la voix de son éleveur/se ! Ce réflexe est réduit en cas de maladie. Une vache, qui n’est plus alerte aux sons, mérite une attention particulière sur son état de santé.

        • Une vache réagit fort lorsque les voix sont aigües, ou que ce sont des cris et des bruits métalliques.

        Rien ne sert donc de taper sur les cornadis avec des barres en métal, vous ne ferez qu’effrayer votre troupeau. Les essais scientifiques ont prouvé les réactions de peur aux sons métalliques, par la hausse de la fréquence cardiaque et la baisse du système immunitaire.

        3. L’odorat : flairer, ce besoin indispensable

        • Le bovin a un réel besoin de flairer.

        Pour explorer, la vache ne tend pas la main mais le mufle. Il faut donc se laisser flairer par ses animaux ! Ne repoussez pas une vache qui vient vous saluer, tout en restant vigilant à son attitude.

        • L’expression faciale d’une vache est peu marquée.

        Pour distinguer des situations de menace, un bovin va émettre un souffle bref ! Restez sur vos gardes si cela arrive, en vous mettant en sécurité.

        • Le bovin a la capacité de percevoir les phéromones (émanant des situations de peur, stress, etc).

        Comme les animaux aiment la stabilité relationnelle avec ses congénères humains et animaux, restez dans le moment présent quand vous êtes avec votre troupeau. Rien ne sert de penser à votre liste de choses à faire, soyez conscient et constant dans votre relation avec vos vaches.

        4. Le toucher : du contact franc, grâce au grattage

        • Le toucher est un sens très développé chez le bovin.

        Il faut ainsi en profiter pour améliorer sa relation homme-animal. Les zones favorites de toucher chez la vache sont là où la peau est la plus fine : mamelles, tête, attache de la queue, intérieur de la cuisse. Au contraire, éviter les zones douloureuses, telles que les naseaux et la base des cornes. Vous noterez que la majorité des systèmes de contention sont par définition désagréables et douloureuses puisqu’ils s’attachent aux naseaux et aux cornes.

          • Il est conseillé d’habituer autant que possible son bovin à être manipulé partout et en liberté (même les mamelles en vaches allaitantes, contrairement aux idées reçues !)

          Pour instaurer une relation homme-animal apaisée et solide, favoriser les contacts francs, en reproduisant des comportements de léchage (de bas en haut, de manière vive, par des coups secs) avec une brosse. Autrement dit, éviter les caresses et les effleurages – Soyez francs ! Cela incitera à un moment d’apaisement, prouvé par une baisse de la fréquence cardiaque.

          • Il est recommandé d’équiper les lieux d’élevage de solutions de grattage pour tous les animaux (laitières, taries, allaitantes, engraissement, génisses et veaux).

          Dans l’idéal, il faut privilégier les brosses fixes (et non rotatives, car l’animal devient passif de son comportement), des pierres, des branches mortes, etc. Et ce, dans tous les lieux de vie, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs (les paddocks de pâturage et chemins sont concernés).

          5. Le goût, un outil à développer

          • Le bovin a des préférences alimentaires, qu’on observe souvent au pâturage.

          Il parait ainsi pertinent d’introduire la récompense alimentaire dans la pratique des soins au quotidien. La récompense alimentaire signifie favoriser un comportement désiré chez la vache par son éleveur, en distribuant un aliment (oui oui comme chez les chiens !). Cette pratique est très utilisé dans les zoos avec des animaux plus imposants et sauvages que les vaches. L’éleveur a tout intérêt à habituer ses vaches à manger dans la main de préférence dès le plus jeune âge.

          • Il est souvent observé des tics de léchages en bâtiment, expliqués majoritairement par des carences, un problème de succion ou de l’ennui.

          Les solutions pour pallier à ces désagréments sont nombreuses puisque plusieurs explications sont possibles. L’enrichissement de l’environnement du bovin, revoir le mode de sevrage ou encore vérifier l’équilibre alimentaire du troupeau sont différentes solutions qui pourront être envisagées par votre conseiller agricole indépendant.

          L’humain, le miroir des émotions de la vache

          Deux experts du comportement animal, Xavier BOIVIN et Luc MOUNIER, ont prouvé que le bovin est le miroir des émotions et des attitudes de l’humain. C’est pourquoi la connaissance des cinq sens et leurs spécificités bovines est fondamentale pour comprendre les recommandations qui favorisent la relation Homme Animal.

          Le premier conseil facile à mettre en œuvre est d’opter pour une tenue de travail, toute noire, sans reflet, sans contraste, avec un sac banane pour y cacher les récompenses alimentaires (granulés).

          Cesser l’utilisation de sur-bottes, de tenues et d’outils avec des bandes réfléchissantes, du blanc, générant des bruits de plastique parait aussi pertinent.

          Un autre conseil à garder en tête est de déplacer ses bovins avec des drapeaux, qui s’adaptent à la vision saccadée du bovin.

          La « To Do List » de l’éleveur avec ses vaches

          • Être bien équipé (tenue noire, discrète, avec des gants gratteurs)
          • Utiliser la récompense alimentaire lors des soins (un sac banane avec granulés)
          • Gérer ses émotions et son comportement car la vache a une mémoire
          • Être dans le moment présent, conscient de sa relation, sans penser à la liste des choses à faire sur l’exploitation
          • Instaurer une bonne relation dès le sevrage (qui sera corrélée avec une meilleure gestion de la santé des veaux)

          Soyez perçu comme un éleveur positif !

          1. Le renforcement positif, qu’est-ce que c’est ?

          Une méthode très utilisée en éducation animale, qu’elle se fasse auprès d’animaux sauvages ou domestiques, est le renforcement positif.

          Cela signifie associer la récompense alimentaire à un comportement désiré par l’éleveur.

          Cette méthode est aussi connue sous le nom de « medical training » dans les zoos. Par exemple, pour apprendre à un éléphant à se positionner le long de la barrière pour être prêt pour un soin.

          Cette technique d’éducation est sécurisante pour l’éleveur et réconfortante et encourageante pour l’animal. Elle peut donc être utilisée en élevage pour notamment les pratiques de soins régulières, telles que l’utilisation de spray, la pose de vermifuge sur le dos des animaux, etc.

          En habituant ses vaches à ne pas avoir peur, rester calmes face à la nouveauté et manipulées en liberté pour des actions simples de soins, tout en limitant une contention longue et stressante, l’éleveur et l’animal sont gagnants !

          2. Comment le mettre en oeuvre avec mes vaches ?

          Pour commencer, vous pouvez lors d’un soin, commencer par instaurer plus de « positif » que de « négatif » lors des soins, malgré un système de contention. Les réactions à l’approche de l’humain seront plus sereines et calmes, ce qui sera un point positif en cas de certification bien-être animal.

          Exemple d’application d’un vermifuge sur le dos de l’animal :

          1. Rentrer dans le bâtiment (-)
          2. Laisser la vache flairer l’éleveur en approche dans son bâtiment (+)
          3. Déplacer la vache vers le cornadis (-) par des gestes lents, comme « en apesanteur », dans le silence
          4. Distribuer une récompense alimentaire lors du déplacement ET à l’issue du déplacement (+)
          5. Une fois, la vache installée aux cornadis, gratter la vache au niveau du garrot, ou de la base de la queue (+)
          6. Appliquer le vermifuge sur le dos, avec des mouvements lents (-), et en évitant de se positionner dans ses angles morts
          7. Gratter de nouveau la vache (+), tout en la laissant manger (+)
          8. La libérer du cornadis (+)

          En parallèle, vous guetterez les postures d’apaisement, telles que la tête baissée, le maintien de la rumination, la venue d’une vache « curieuse » …

          Pour limiter l’intervention vétérinaire, souvent perçue de manière négative par l’animal, vous pouvez envisager selon la pathologie et les circonstances une téléconsultation avec votre vétérinaire.

          Enrichir le milieu de vie de ses vaches

          Une autre méthode favorisant la relation Homme Animal est l’enrichissement du milieu.

          Cela signifie « introduire régulièrement de la nouveauté dans l’environnement des animaux« . En effet, favoriser le comportement d’exploration leur permet de comprendre que la montée en stress n’est pas nécessaire face à la nouveauté. Ainsi, le but est d’apprendre aux vaches à être moins émotives et moins fuyantes.

          Vous l’aurez compris, les solutions pour favoriser la relation Homme Animal sont nombreuses, faciles à mettre en œuvre et pratiques. Il ne vous reste plus qu’à les essayer !

          Une des grandes problématiques en élevage est l’optimisation du temps de travail. Les deux techniques évoquées en fin d’article – l’enrichissement du milieu et le renforcement positif – sont des outils favorables pour gagner du temps à moyen terme sur son élevage.