Changer son système fourrager, quel intérêt ?

Vous envisagez d’arrêter le maïs ensilé et faire davantage de pâturage, y compris à l’automne ?
Ou encore, distribuer des méteils dans les rations et introduire des semis sous couvert dans vos rotations ?

Il est temps de réflechir à changer votre système fourrager.

Cette modification majeure s’anticipe.

Vous avez envie de changer votre système fourrager pour qu’il soit plus économe et autonome.

Bonne idée mais ….. ce type de changement se prépare !

Il est fondamental de calculer toutes les incidences que va avoir un changement de système.

Vous avez en tête vos objectifs. Vous avez, peut-être, déjà calculé les grandes lignes de votre assolement.
Cela n’est pas suffisant pour franchir le cap sereinement.

Cet article est là pour vous aider.
Il détaille les deux premières étapes. Elles permettent de vérifier si le troupeau, ses caractéristiques et vos objectifs sont cohérents avec vos moyens de production.

Le déroulé des étapes est :

  1. Déterminer les effectifs animaux nécessaires
  2. Schématiser les flux de son troupeau
  3. Définir les plans d’alimentation mois par mois
  4. Calculer les besoins fourragers
  5. Aboutir à un assolement prévisionnel

Les étapes 3 à 5 sont détaillées dans un autre article intitulé Plans d’alimentation et bilan fourrager.

Pour faciliter la lecture, l’exemple illustrant cet article est rédigé en bleu.

Etape 1 : Déterminer les effectifs animaux nécessaires

Combien de vaches sont nécessaires ?

Dans un premier temps, il faut déterminer le nombre de vaches mères (laitières ou à viande) que vous souhaitez élever. Un schéma troupeau en découlera avec le nombre de génisses, de veaux mâles, de taries, de réformes, …

Il faut tenir compte de plusieurs paramètres :

1) la quantité de lait (ou viande) à produire :

La référence laitière délivrée par votre laiterie et/ou la quantité de lait nécessaire pour votre atelier de transformation permettra de connaître le nombre de vaches laitières de votre troupeau, en tenant compte de leur production laitière moyenne.

Par exemple, votre référence laitière est de 440 000 litres. Vos vaches produisent 7 900 litres en moyenne sur l’année. Il semblerait que l’effectif du troupeau soit de 56 vaches laitières traites toute l’année. Pour connaître l’effectif moyen du troupeau (laitières + taries), il faudra rajouter les vaches taries (environ 11% du troupeau).

Calcul : 440 000 / 7 900 = 55,7 soit 56 vaches

veau lait entier

Calculer la quantité de lait nécessaire aux veaux élevés au lait entier

Les veaux mâles sont généralement vendus à 15 jours.

Leur consommation de lait est estimée à 120 litres sur cette période si l’on considère qu’ils sont nourris au lait entier, dont le taux butyreux est à 40-42 g/kg, distribué en deux repas par jour, avec du fourrage à volonté.

Les génisses femelles sont généralement élevées. Leur plan lacté sur 9 semaines estime une quantité de lait entier total à 340 litres.

autoconsommation lait vache

Ne négligez pas votre autoconsommation de lait

Même si la quantité de lait autoconsommée par la famille vous parait dérisoire, il n’est pas négligeable de la calculer.

Si vous consommez ne serait-ce qu’un litre par jour toute l’année soit 395 litres, votre autoconsommation de lait dépasse la quantité de lait nécessaire pour élever une génisse au lait entier.

Sans parler du lait vendu dès la sortie du tank à l’heure de la traite !

Dans notre exemple, 56 vaches donnent naissance à 50 veaux vivants (12% de mortalité), soit 25 veaux mâles vendus à 15 jours et 25 génisses femelles gardées pour le renouvellement. Le couple d’éleveurs prélève 1 litre par jour dans le tank pour leur autoconsommation. Quelle quantité de lait faut-il produire en plus de la référence ?

  • 25 veaux mâles x 120 litres = 3 000 litres pour les veaux mâles
  • 25 génisses femelles x 340 litres = 8 500 litres pour les génisses femelles
  • 1 litre x 365 jours = 365 litres autoconsommés

11 865 litres de lait sont à ajouter à la référence laitière initiale de 440 000 litres, soit 451 865 litres. Dans cet exemple, le lait jeté n’est pas compté. En réalité, il représente une perte importante à prendre en compte dans le lait à produire.

Le nombre de vaches traites doit dorénavant être de 451 865 / 7 900 = 57 vaches. C’est-à-dire une vache de plus !

2) La place en bâtiment, à la fois pour les génisses et pour les vaches

    • Avez-vous suffisamment de cases à veaux ?

Il est judicieux de ne compter que les cases individuelles ou collectives qui sont confortables. Ne prenez pas en compte les vieilles cases à veaux mal isolées, mal équipées, dans lesquelles vous avez déjà eu des diarrhées et veaux chétifs. Il est temps d’en modifier la configuration !

    • Avez-vous tenu compte de la période de vêlage ?

Si vous êtes en vêlage groupé, vous devez être vigilant sur la place nécessaire au moment adéquat de l’année. Pour plus de sérennité, il est conseillé de prévoir plus de cases que nécessaire, et de vous tenir prêt avant la date du premier vêlage (stocks d’aliments livré, paillage fait, seaux et tétites propres et en stock, tableau blanc d’affichage pour noter les évènements sanitaires, trousse à pharmacie pour les premiers soins, qualité de l’eau, etc).

Si vous êtes en vêlage étalé toute l’année, pensez à organiser à la fois un curage et désinfection des cases entre chaque veau (effet sur la prévention des diarrhées), ainsi qu’un vide sanitaire annuel de 2 semaines minimum (effet sur la prévention des troubles respiratoires).

    • Avez-vous assez de places en logettes ou sur votre aire paillée ?

Il est nécessaire que tout le troupeau puisse se coucher à son aise. Tant d’un point de vue du nombre de places que de la dimension des logettes et de leur facilité d’accès.

En aire paillée, il est conseillé 12 m² par vache laitière et 10 m² en vache allaitante non suitée, en comptant 10 à 12 kg de paille par animal.

En logettes, il est conseillé de prévoir au moins une logette par animal, quelque soit le mode de traite et le type de bâtiment.

    • Avez-vous assez de places à l’auge ?

A l’heure de la distribution, il est fondamental que toutes les vaches aient accès à une place aux cornadis. Les places qui se trouvent dans des impasses ne devraient pas être comptées, surtout si vous avez déjà constaté des hésitations de la part des vaches pour s’y installer.

Pensez aussi à la table d’alimentation, qui doit être conçue de manière à faciliter l’accès aux aliments. Les recommandations données par le service Bâtiments de l’Institut de l’Elevage et des Chambres d’agriculture sont : un muret d’auge en béton d’une largeur de 12 à 15 cm et d’une hauteur de 60 cm ; une différence de hauteur de 15 à 20 cm entre le niveau de l’aire d’exercice et celui de l’auge.

Combien de génisses à élever ?

Les génisses sont des animaux dits « improductifs ». Plus leur période d’élevage est courte et réussie, plus vous limitez la durée pendant laquelle vous n’avez pas d’entrées d’argent.

Il est d’abord conseillé de ne garder que le nombre strictement nécessaire de génisses pour permettre le renouvellement du troupeau laitier. En parallèle, vous pouvez aussi jouer sur la réduction de l’âge au vêlage, sans qu’il ne pénalise la croissance de l’animal.

Il est essentiel de vérifier que le taux de renouvellement des génisses sera suffisant pour couvrir le taux de réforme. Par exemple, vous estimez que vous devez réformer 20 vaches sur l’année (toutes raisons confondues : mortalité, accidents, raison sanitaire, etc) ; alors il faudra nécessairement prévoir d’élever a minima 20 génisses pour garder un cheptel à effectif constant.

Dans notre exemple, nous avons 57 vaches traites nécessaires. Nous ajoutons les taries, à hauteur de 11%, soit 6 vaches. Le troupeau laitier moyen atteint 63 vaches laitières.

Avec un taux de réforme moyen de 25%, il est nécessaire de garder a minima 25% de génisses de renouvellement. Il y aura donc 16 génisses qui intègreront le troupeau laitier en remplacement des laitières réformées. En tenant compte de pertes sur l’élevage de génisses depuis la naissance, il est judicieux de prévoir d’élever davantage de génisses pour sécuriser le renouvellement.

 

Etape 2 : Schématiser les flux de son troupeau

Vérifier les flux entrants et sortants

Maintenant que les effectifs de chaque catégorie d’animaux sont connus, il est nécessaire de les harmoniser dans un schéma troupeau.

Schématiser les flux de votre troupeau permet de vérifier la cohérence entre les taux de réforme, mortalité, renouvellement, etc.

Dans notre exemple, nous avons 63 vaches laitières. Le taux de taries est de 11%. Il y a donc 57 vaches traites toute l’année. Le taux de renouvellement du troupeau est à 25%, ce qui signifie 16 vaches réformées (toutes raisons confondues). Il est nécessaire de prévoir 16 génisses de renouvellement qui intègreront le troupeau. Les vêlages révèlent un taux de mortalité à 12%, et une répartition des mâles et femelles à 50% – 50%. Si vous avez fait le choix de faire des inséminations sexées, vous pouvez modifier cette répartition.

schéma-troupeau

Convertir ses effectifs en UGB

Maintenant que les effectifs de chaque catégorie d’animaux sont connus, il est nécessaire d’unifier leur unité.

L’unité utilisée est lUGB : Unité Gros Bovin.

C’est l’unité de référence qui permet d’agréger le bétail d’âges différents, en utilisant des coefficients spécifiques établis sur la base des besoins alimentaires de chaque type d’animal. Cette unité permet de cumuler l’ensemble des animaux du troupeau en tenant compte de la spécificité de chaque animal.

Une vache laitière est égale à 1 UGB. Une génisse laitière de moins d’un an est égale à 0,3 UGB. Une génisse laitière âgée de 1 à 2 ans est égale à 0,6 UGB. Les autres coefficients d’UGB pour tous les ruminants (vaches laitières et allaitantes, brebis et chèvres) sont téléchargeables gratuitement ci-dessous. 👇

Dans notre exemple, le calcul des UGB se détaille selon :

  • 63 vaches x 1 UGB = 63 UGB
  • 25 génisses femelles (âgées de moins d’1 an) x 0,3 UGB = 7,5 UGB
  • 25 génisses élevées jusqu’à 2 ans (les 17 génisses de renouvellement + les 8 amouillantes) x 0,6 UGB = 15 UGB
  • 17 génisses élevées de 24 mois jusqu’au vêlage (28 mois) x 0,8 UGB = 13,6 UGB x (4 / 12 mois) = 4,5 UGB

⚠️Pour les génisses de + 2 ans, il faut prendre en compte le temps de présence dans l’année avant vêlage : 4 mois / 12 sur la 2ème année.

Au total, le troupeau est estimé à 63 + 7,5 + 15 + 4,5 = 90 UGB sur l’année en moyenne.

Etape 3 : Établir les plans d’alimentation en vue de changer son système fourrager

Afin d’anticiper les étapes suivantes de l’étude de changement de système fourrager, il est recommandé de réfléchir à vos rations prévisionnelles.

Il vous permettra de définir vos plans d’alimentation par période (mise à l’herbe, ration hivernale, etc), en fonction de vos objectifs (marge sur coût alimentaire, etc), des performances animales recherchées et du système fourrager que vous souhaitez mettre en œuvre.

Les rations sont saisies par mois en fonction des fourrages que vous envisagez faire. Le tableau permet de calculer les quantités nécessaires par type de fourrage, et ainsi vous donner votre assolement prévisionnel.

Les étapes menant jusqu’à l’assolement prévisionnel sont détaillées dans l’article Plans d’alimentation et Bilan fourrager.

Besoin d’aide pour changer son système fourrager ? Contactez-nous.

conseiller indépendant vache