Le bien-être animal en élevage, vous en avez marre d’en entendre parler ?
Que cache véritablement cette notion ?

Avant que l’industrie agro-alimentaire impose ses conditions aux éleveurs, devenez acteur de l’évaluation du bien-être animal dans votre élevage.

Dans cet article, vous trouverez plusieurs pistes de réflexion pour améliorer le bien-être animal et celui de l’éleveur.

98% des Français pensent que la notion du bien-être animal est importante. Le point de vue du consommateur n’a jamais été aussi important aux yeux de l’industrie agroalimentaire. Mais seuls 68% des citoyens français sont prêts à payer des produits jusqu’à 20% plus chers s’ils sont garantis « Bien-Etre Animal ».

Alors que faire ? Maintenir les bonnes conditions d’élevages que la très grande majorité des agriculteurs ont déjà mis en place ? Mieux communiquer auprès du grand public ? Améliorer encore davantage les pratiques en élevage ?

88% des Français pensent que les animaux devraient être mieux protégés.
Le rare animal de référence est aujourd’hui l’animal de compagnie. Cette tendance se confirme particulièrement depuis que le nombre d’actifs agricoles diminue et que le nombre d’urbains augmente. En parallèle, l’élevage s’est intensifié ces dernières années avec notamment le développement de la zootechnie et de la sélection génétique.

La sensibilité des animaux est aujourd’hui au cœur des préoccupations des consommateurs, alors qu’elle l’est depuis toujours dans le cœur des éleveurs.

De nombreux acteurs sont mobilisés pour définir, favoriser et règlementer le bien-être animal en élevage.
Les institutions, comme le Centre National de Référence pour le Bien-Etre Animal, mettent en œuvre des textes européens depuis plus de 50 ans, ayant comme objectifs de partager le savoir et promouvoir l’innovation.

Les professionnels sont aussi nombreux à agir dans la promotion du bien-être animal : les éleveurs d’abord, les commissions au sein de coopératives et laiteries, les démarches qualité en industrie agroalimentaire, …

Des notions philosophiques de 1755 à nos lois du 21ème siècle

La notion d’ « être sensible » n’est pas nouvelle !

Elle a été évoquée par le philosophe Jean-Jacques Rousseau dès 1755. Au XVIIIème siècle, plusieurs courants de pensées se dévoilent. Dans la pratique, ils se distinguent en deux groupes : les réformistes/welfaristes qui veulent améliorer les conditions d’élevage ; les abolitionnistes qui contestent tout de l’élevage.

D’autres textes marquants ont évoqués très tôt des notions fondamentales du bien-être animal.

En 1959, Russell & Burch instaurent la règle des 3 R, principalement pour les animaux de laboratoire : Remplacement des animaux dans la recherche, Réduction du nombre d’animaux utilisés, Raffinement des expérimentations.

En 1964, Ruth Harrisson est une des premières à dénoncer publiquement les conditions d’élevage, en créant le comité Brambell. Le bien-être animal est alors pris en compte sur les plans physique et mental.

Les cinq libertés fondamentales sont rédigées :

Liberté de ne pas souffrir de faim et de soif

Liberté de ne pas souffrir de contrainte physique (inconfort)

Liberté de ne pas souffrir de blessures, douleurs ou maladies

Liberté d’exprimer des comportements normaux en lien avec son espèce

Liberté d’être protégé de la peur, du stress et de la détresse

La règlementation européenne et française ne cesse d’évoluer depuis le 19 ème siècle.

En 1850, la loi Grammont interdit tout mauvais traitement animal en public. En 2007, le traité de Lisbonne passe les animaux de « biens marchands » à « êtres sensibles ». En 2015, le code civil français instaure la loi stipulant que les animaux sont des « êtres vivants doués de sensibilité ».

En Europe, les conventions rédigées par les 47 pays du Conseil de l’Europe suggèrent la protection des animaux, notamment avec des spécificités pour les abattoirs dès 1982, pour la fourrure en 1999, pour les dindes en 2001, et plus récemment pour le transport des animaux en 2003.

L’obligation de bons résultats est imposée aux éleveurs depuis 2007

Il est imposé une obligation de moyens aux éleveurs depuis les années 1980.

L’obligation de résultats est plus récente : depuis le traité de Lisbonne de 2007.

Pour guider les professionnels vers cette réussite, de nombreux organes institutionnels sont actifs au niveau français (l’ANSES, la DDPP, etc). En parallèle, les dynamiques mondiales se poursuivent grâce à la FAO et l’OIE.

Distinguer la notion de bien-être animal de celle de bientraitance est importante.

La bientraitance suggère une obligation de moyens, puisque l’humain est en position de décider pour l’animal sans en connaître sa perception du milieu. Alors que le bien-être animal positionne l’animal au centre des décisions, ce qui signifie une obligation de résultats.

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Comprendre la différence entre bien-être animal et sensibilité animale

Il est important de comprendre le mot « sensibilité animale ». Il se distingue en deux parties :

  • La perception : c’est la capacité à percevoir des sensations (dimension sensorielle). Elle est permise par le développement des cinq sens (ouïe, vision, odorat, goût, toucher), qui s’adapte au milieu dans lequel vit l’animal.
  • L’émotion : c’est la capacité à ressentir (dimension psychologique). L’émotion est une réaction affective, intense mais fugace en réponse à un évènement. Il est très difficile de décrypter les émotions, et encore plus chez un animal. Pour objectiver les émotions, les réponses physiologiques sont utilisées par les experts scientifiques : sécrétion d’adrénaline, de cortisol, …

Il est fondamental de comprendre et faire comprendre au grand public que le décryptage des émotions est différent de la notion de bien-être animal.

L’émotion est une réaction affective fugace contrairement au bien-être animal qui est un état affectif persistant !

L’intérêt d’expliquer la différence entre émotion et perception est de limiter l’anthropomorphisme qu’applique le grand public aux animaux d’élevage.

Par exemple, une vache qui secoue la tête de bas en haut à l’approche de l’humain sera interprétée comme une vache qui « hoche la tête » par un novice urbain, alors qu’un éleveur comprendra que la vache « n’est pas à l’aise avec son approche physique ».

Pour expliquer cette notion au grand public, différentes pistes sont envisageables : ouvrir sa ferme au public lors d’une visite guidée, afficher des posters explicatifs à différents endroits clefs de l’élevage et continuer à se former au bien-être animal en restant ouvert à la discussion, …

Quelle définition du bien-être animal est la bonne ?

Les définitions du bien-être animal sont nombreuses.

Seules celles reconnues officiellement sont les suivantes :

  • ANSES 2018 : « État mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal ».
  • OIE 2005 : « Désigne la manière dont un animal évolue dans les conditions qui l’entourent » « Le traitement qu’un animal reçoit est couvert par d’autres termes tels que les soins, les conditions d’élevage et la bientraitance ».

Comment évaluer le bien-être animal sur son élevage ?

L’évaluation du bien-être animal est une étape-clef dans un audit d’élevage.

Elle repose sur l’étude d’indicateurs précis, qui amène à un score final. Les indicateurs permettent de rester objectif et fiable. En effet, chaque élevage a une situation particulière, qui ne doit pas faire obstacle à la capacité d’évaluer le bien-être dans chaque situation.

Les indicateurs sont variés et basés sur les animaux et non sur leur environnement :

  • le comportement (stéréotypie, …)
  • la physiologie (fréquence cardiaque, immunité, …)
  • la production (modification des performances, …)
  • la santé.

Seules les notions de peur et d’anxiété rencontrent des difficultés à être évaluées de manière objective et facile. Pour les autres, les nouvelles technologies via les objets connectés permettent de mesurer de nombreux paramètres de manière précise et neutre.

Le diagnostic d’évaluation du bien-être animal le plus récent et reconnu par les organismes agricoles s’appelle « Boviwell » :

Depuis 2021, il est proposé aux éleveurs (et imposés pour certains …) de réaliser un audit de diagnostic du bien-être animal, appelé Boviwell.

Cet outil de diagnostic s’articule autour des 5 libertés fondamentales.

Par une méthode objective et transparente, elle permet de donner un score par catégorie animale et par liberté, ainsi que des leviers d’amélioration et un classement final sur une échelle allant d’excellent à « non classé ».

Comment est réalisé le diagnostic Boviwell ?

Un auditeur se déplace sur votre exploitation pour une durée de 2 heures environ. Après avoir saisi dans le logiciel les caractéristiques de votre élevage, l’auditeur vous questionnera sur vos pratiques d’élevage (écornage, système d’attache, aires d’exercices, …) et votre vision de l’élevage.

Ensuite, l’auditeur se déplacera dans le bâtiment d’élevage (ou éventuellement en extérieur si votre troupeau vit dehors à l’année) pour observer un échantillon d’animaux par catégorie animale (ex : 30 vaches sur les 50 laitières présentes ; 30 génisses sur les 50 présentes). En passant en revue un par un les animaux de l’échantillon, seront notées les observations suivantes :

1. Bonne Alimentation : absence de faim, absence de soif,  nombre d’abreuvoirs, propreté des points d’eau, débits des points d’eau
2. Bon Logement : confort de couchage, collision avec les équipements, ventilation, propreté des animaux, facilité de mouvement, nombre de vaches couchées en dehors de l’aire de couchage, présence de brosses dans le bâtiment
3. Bonne Santé : absence de blessures, problèmes cutanés, absence de douleurs, maladies respiratoires, problèmes digestifs – évaluation du rumen, problèmes digestifs, diarrhées des veaux– évaluation des bouses, comptage cellulaire du lait, problèmes de reproductions, taux de mortalité.
4. Expression du Comportement Naturel : comportement social, troubles du comportement, relation Homme-Animal.

Une fois toutes ses observations réalisées et saisies dans le logiciel, les graphiques de résultats apparaissent et donnent le score final allant de « Excellent » à « Non classé ».

A qui l’éleveur doit s’adresser pour faire un diagnostic ?

De nombreux techniciens conseillers agricoles sont récemment formés au diagnostic Boviwell. Vous pouvez faire appel à votre laiterie, votre vétérinaire, votre coopérative ou votre conseiller.

Si vous rencontrez des difficultés à trouver un auditeur agréé, écrivez-nous à bonjour@conseilenagriculture.fr
Nous nous ferons un plaisir de vous aider.

Quelles conséquences économiques pour l’éleveur ?

A ce jour, le score final n’est pas lié au prix du lait (sauf exceptions locales), mais le diagnostic n’en est qu’à son début. L’obtention du Boviwell permet cependant déjà d’accéder à des labels pour mieux valoriser ses animaux.